Sonic Outlaws (1995): subversion et hacking artistique

Sonic Outlaws est un film de montage énergique sur les controverses de la fin du 20e siècle concernant la violation des droits d’auteur, le « fair use » et le « culture-jamming ». Ce montage dense d’interviews, de musique et d’images d’archives documente les activités de réappropriation de Negativland, John Oswald, des Tape-beatles, du Emergency Broadcast Network, de l’organisation de libération des Barbie (Barbie Liberation Front), des situationnistes et d’une multitude d’autres qui travaillent, avec du son « trouvé », détournent/hackent des poupées parlantes, des panneaux publicitaires… les discours dominants. Les pratiques de piratage téléphonique, d’altération des panneaux d’affichage, de piratage médiatique et de numérisation de la propriété intellectuelle, vues à la lumière de la loi dans une période de changement artistique et technologique rapide, mettent en évidence les tensions émergentes entre l’imagination, la paternité intellectuelle, l’autonomie et le marché.

Aujourd’hui, certes le film peut sembler un peu daté au vu des transformations technologiques liées au développement d’internet, n’en reste pas moins l’urgence à user de créativité pour corrompre le conformisme ambiant des discours sécuritaires, s’approprier et user du potentiel émancipateur des technologies tel que le développement d’internet comme espace de liberté en faisait la promesse il y a encore 20 ans. En 2021, comme en 1995, se posent les questions de l’usage des technologies, des fins et des moyens mis en place. Ambivalentes, elles peuvent aussi bien servir le développement de l’expression libre comme de servir à nous emprisonner, nous profiler pour mieux nous contrôler.

Ce film de Craig Baldwin (comme son oeuvre) dépasse l’horizon du film de compilation pour aller vers le collage créatif, esthétiquement choc en problématisant les relations entre les « reprises », l’hommage, le pastiche, la parodie et la critique. En suggérant des méthodes de résistance créative, il esquisse l’espoir d’une « culture populaire électronique » – au milieu d’un environnement électronique de plus en plus consumé et contrôlé par les multinationales de l’information.

Incidemment, c’est dans l’oeil du cyclone (dans la baie de San Francisco) que ce film a émergé et c’est depuis cette position que Craig Baldwin peut nous parler encore aujourd’hui. C’est un fruit de la contre culture locale, mais en contrepoint des hippies électroniques prêts à sauter à pieds joints un monde cyberpunk dystopique tel que les GAFAM nous le présentent.

Aujourd’hui encore, âgé de bientôt 70 ans, Craig Baldwin continue d’animer et de dynamiser l’autonomie créatrice. Inspiré par les pratiques et la rhétorique de l’émancipation situationniste, c’est au coeur de San Francisco que Craig Baldwin et ses associé-e-s mènent la bataille en programmant régulièrement des films inspirants, organisant des performances et autres évènements au sein d’Other Cinema. Toujours libre(s), indépendant(s) et corrosif(s), ils se prennent de plein fouet le coup financier des mesures sanitaires. Il est possible de les soutenir en faisant un don en cliquant ici…

Regarder le film:

Télécharger le film en HD:

https://archive.org/details/dom-8007-1-sonicoutlawshd